vendredi, février 17, 2006

L'origine du mal ( Post publié sur le Forum Catholique )


Au sujet du mal

Voici le post promis suite à la question posée il y a quelques jours sur le mal.

Le magistère s’est exprimé à plusieurs reprises pour nous éclairer sur la question du mal.
Nous avons ici un document du Pape Léon Ier au Vème siècle. Réfutant certaines erreurs manichéennes au sujet de l’origine et de la nature des démons, Léon Ier enseigne :
La vraie foi professe que la substance de toutes les créatures spirituelles ou corporelles est bonne, et que le mal n’a pas de nature parce que Dieu, qui est le créateur de l’univers n’a rien fait que de bon. De ce fait le diable serait bon s’il était resté dans l’état ou il a été fait. Mais ayant usé de son excellence naturelle et « n’étant pas demeuré dans la vérité » ( Jn 8,44), il n’est pas passé à une substance contraire, mais il s’est séparé du souverain bien auquel il devait rester uni, de même que ceux qui affirment cela se précipitent eux-mêmes de ce qui est vrai dans ce qui est faux, et s’en prennent à la nature pour ce qu’ils ont commis intentionnellement, et sont condamnés du fait de leur perversité volontaire. Le mal sera d’ailleurs en eux-mêmes, et le mal lui-même ne sera pas la substance mais le châtiment pour la substance.

Le Concile de Braga en 561, sous le Pontificat de Jean III, condamne ceux qui affirment que le diable a émergé des ténèbres et qu’il est lui même le principe et la substance du mal.

Au sujet de l’origine du mal, l’Église affirme qu’en aucun cas Dieu ne peut en être l’auteur. Son origine est bien dans la volonté des créatures rationnelles, anges ou hommes.
Le Concile de Valence en 855, sous le Pontificat de Léon IV apporte quelques précisions, liées à la question de la prédestination :
Par la prédestination, Dieu a seulement déterminé ce que lui-même ferait soit par miséricorde, soit par juste jugement, selon l’Ecriture qui dit : « Il a fait ce qui sera » ( Es 45, 11). Chez les méchants cependant Il a su par avance leur malice, parce qu’elle provient d’eux ; Il ne l’a pas prédestinée, parce qu’elle ne vient pas de Lui.

Attention, la prescience de Dieu ne signifie pas qu’il y ait une nécessité au mal. Cela est difficile pour nous de le comprendre, mais ce n’est pas parce que Dieu voit par avance qu’il y aurait une sorte de fatalisme. Dieu voit par avance nos actes libres. Ainsi, en 483 le Pape Simplicius condamnait ceux qui affirment que la prescience de Dieu pousse violemment l’homme à la mort ou que ceux qui sont perdus le sont par la volonté de Dieu.
Il n’existe donc aucune prédestination au mal, mais seulement à la peine pour ceux qui commettent le mal.

A propos de l’origine des démons, je voudrais m’arrêter sur quelques pensées de Saint Augustin. Saint Augustin fait en effet remarquer que le récit de la Genèse ne mentionne pas la création des anges, bons ou mauvais. Ainsi les manichéens ont pu s’appuyer sur ce fait pour dire qu’ils avaient une autre origine que Dieu. Saint Augustin répond que la Bible en d’autres endroits mentionne les anges comme les œuvres créées de Dieu. Ainsi dans le livre du prophète Daniel dans le Cantique des trois enfants, sont énumérés les anges dans les ouvrages qui doivent bénir le Seigneur : « Ouvrages du Seigneur, bénissez tous le Seigneur… Anges du Seigneur, bénissez le Seigneur… » Idem dans les Psaumes ! Il faudrait ici lire tout le Livre 11 de la Cité de Dieu, tant il est passionnant et instructif. Disons pour résumer que Saint Augustin place la création des anges avec celle de la lumière car « ils ont certainement été créés participants de cette lumière éternelle, qui est la sagesse même de Dieu, sagesse immuable, créatrice de toutes choses que nous appelons le Fils Unique de Dieu. Illuminés de cette lumière qui les crée, ils deviennent lumière et sont appelés jour par la participation de cette lumière et de ce jour immuable, le Verbe de Dieu, leur créateur et le créateur de l’univers. Car la vraie lumière qui éclaire tout homme venant au monde, éclaire aussi tout ange pur afin qu’il soit lumière, non en lui-même, mais en Dieu dont il ne saurait se détourner sans devenir impur, à l’exemple de ces esprits déréglés qui, retranchés de la participation de l’éternelle lumière, cessent d’être lumière dans le Seigneur, pour devenir ténèbres en eux-mêmes ; le mal en effet n’est point une substance : c’est la privation du bien qui s’appelle mal.»
Donc les démons ont été créés bons à l’origine – « Dieu vit que cela était bon » -mais ils se sont ensuite détournés de la lumière. Mais quelle est la cause de la chute des mauvais anges ? Le prophète Isaïe s’interroge : « Comment est tombé Lucifer, qui se levait le matin ? »
La Genèse nous dit ensuite que Dieu sépara la lumière et les ténèbres. Et Saint Augustin commente : « il faut reconnaître ici les deux sociétés angéliques, l’une jouissant de Dieu, l’autre enflée d’orgueil (…) ; l’une brûlant du saint amour de Dieu, l’autre consumée de l’amour impur de sa propre grandeur (…) ; l’une habitant les cieux des cieux, l’autre précipitée d’en haut et refoulée tumultueusement dans les plus basses régions de l’air ; l’une environnée du paisible rayon de sa piété, l’autre troublée de ses ténébreuses convoitises ; l’une, au gré de Dieu, secourant avec clémence et sévissant avec justice, l’autre, que son orgueil livre à sa passion turbulente de dominer et de nuire ; l’une ministre de la bonté de Dieu pour satisfaire à tout son amour du bien, l’autre enchaînée par la puissance de Dieu dans sa funeste passion du mal ; l’une jouet de l’autre, qu’elle sert involontairement par ses fureurs mêmes, et envieuse de sa rivale, quand celle-ci recrute, sur les chemins de la vie, sa glorieuse élite : ces deux sociétés angéliques que d’autres témoignages de la Sainte Ecriture nous montrent différentes et contraires ; l’une de bonne nature et de volonté, l’autre mauvaise de volonté et de nature. »

Ainsi donc le mal n’est pas dans la nature, mais dans la volonté. A ce stade, on peut encore s’interroger. La volonté est une puissance naturelle offerte par Dieu aux créatures rationnelles, donc Dieu ne serait-il pas, au moins indirectement cause du mal, lui qui est cause de notre volonté ? Saint Thomas d’Aquin va ici nous venir en aide. Dans le De Malo ( questions disputées sur le mal ), il s’interroge à la question 3, sur l’origine du péché, qui est le mal moral. Et la 4ème objection est la suivante :
« Tout ce qui est cause d’une autre cause est aussi cause de ce qui est causé par elle. Or le libre arbitre qui est la cause du péché, a Dieu pour cause. Donc Dieu est cause du péché. »
Notons que Saint Thomas donne ici 18 objections…. Vous me pardonnerez d’abréger et de ne vous en livrer qu’une seule ! Voyons comment Saint Thomas répond ( je résume ).
Le péché provient de ce que la volonté déchoit de la fin requise, du fait qu’elle se porte sur une fin indue. Ainsi Dieu ne peut pécher lui-même, sa volonté étant identique à sa nature qui est la Bonté souveraine et qui est la fin ultime et la règle première de toutes les volontés.. Dieu ne peut être cause du péché en péchant lui-même.
Peut-Il être cause de péché en faisant pécher autrui ? Cela voudrait dire qu’Il fasse en sorte qu’une volonté créée se détourne de la fin pour laquelle Il l’a créée, fin qu’Il est lui-même. Or Dieu, souverain bien, tourne tous les êtres vers Lui-même et ne les en détourne pas. En aucun cas Dieu ne peut être cause du péché, même s’Il est cause de la volonté qui est elle-même cause du péché. Voici le texte de la réponse à l’objection :
« L’effet de ce qui est causé se rapporte à sa cause dans la mesure où il est causé. Mais si quelque chose procède de ce qui est causé sans que ce soit sous le rapport précis où il est causé, il n’est pas nécessaire de le rapporter à la cause. » Cela s’embrouille ? Ne paniquez pas, l’exemple suivant nous fera mieux comprendre de quoi il s’agit !
« Ainsi le mouvement de la jambe est causé par la puissance motrice de l’animal qui la meut, mais la déviation de la démarche ne vient pas de la jambe en tant qu’elle est mue par la puissance motrice, mais en tant que son défaut l’empêche de recevoir comme il faut l’influx de sa puissance motrice ; et c’est la raison pour laquelle la claudication n’est pas causée par la puissance motrice. Le péché est donc, d’une semblable manière, causé par le libre arbitre, précisément en tant qu’il s’écarte de Dieu. De la sorte, Dieu n’en est pas la cause, bien qu’il soit cause du libre arbitre.
»

D’ou l’importance du bon usage de la liberté…. Mais cela est une autre question…. Intimement liée à celle du mal…. Mais dont je ne parlerai pas aujourd’hui.

Bonne méditation et bonne réflexion

In Christo Rege

Abbé Laurent Demets

2 commentaires:

Suzanna & Mary Charlotte a dit…

aheeemm,.....I need this in English!!! :)

Father Demets a dit…

Well... Why don't you ask Mister Google ?? ;)
I don't have time to translate it in English now, sorry !!

Hi Mary Charlotte !!! How are you ??