Eucharistie, mystère à célébrer
Reprenant le vieil adage Lex orandi lex credendi, le Saint Père réaffirme la nécessité d’harmoniser la Foi et la Liturgie, qui en est son expression. Etant « veritatis splendor », la Liturgie devra se revêtir de la beauté, non point par pur esthétisme, mais comme participant au mystère du Christ « en qui nous contemplons la beauté et la splendeur des origines. » Cette beauté de la liturgie est « expression très haute de la gloire de Dieu, et elle constitue, en un sens, le Ciel qui vient sur la terre. » Il s’agit de comprendre qu’elle « n’est pas un facteur décoratif, mais véritablement un élément constitutif de l’action liturgique. » Autrement dit, on se saurait faire abstraction de la beauté sans altérer la nature de la liturgie. Saint Pie X affirmait déjà : « Je veux que mon peuple prie sur de la beauté. » Il est plus que temps d’exaucer ce désir du Pape et de sortir du lisier de la médiocrité dans lequel nous nous sommes enlisés depuis trop longtemps.
La Liturgie est l’œuvre du Christ tout entier. « Action divine », nous n’en sommes que « les participants », en tant que membres du Corps Mystique. Rappelons-nous la définition donnée par Pie XII dans Mediator Dei : « La sainte Liturgie est le culte public que notre Rédempteur rend au Père comme Chef de l’Eglise ; c’est aussi le culte rendu par la société des fidèles à son Fondateur et, par Lui, au Père éternel : c’est, en un mot, le culte intégral du Corps Mystique de Jésus-Christ, c’est-à-dire du Chef et de ses membres. » De ce fait, Benoît XVI affirme « son fondement n’est pas à la disposition de notre arbitraire et ne peut subir la pression des modes du moment. »
Arrive ensuite le problème épineux de « la participation pleine, active et fructueuse de tous fidèles. » Celle ci doit s’harmoniser à « l’ars celebrandi, l’art de bien célébrer, » qui lui même « découle de l’obéissance fidèle aux normes liturgiques dans leur totalité. » Cette obéissance est plus que nécessaire et nous prions pour que les clercs, évêques en tête, la redécouvrent, la comprennent et l’appliquent. Elle est nécessaire pour une juste expression de l’authentique foi catholique. Elle est nécessaire au plan moral. Il peut être bon de rappeler que les manuels de théologie morale, jusqu’à une époque pas si ancienne, considéraient comme péché mortel, toute infraction délibérée aux rubriques. Cela montre bien la dignité de l’action liturgique et le respect que nous devons lui manifester. Nous sommes serviteurs du Christ, ne l’oublions pas. Nous ne jugeons pas maintenant de la culpabilité des prêtres dans leur façon de célébrer. Après plusieurs décennies de lavage de cerveau dans les séminaires, peut-être nombreux sont ceux qui sont dans une ignorance invincible, encore qu’il soit du devoir de chacun de s’instruire des normes et des lois de l’Eglise. Nous savons aussi que de fortes pressions peuvent s’exercer, y compris de la part de ceux qui ont le devoir d’être les garants du respect des lois. Mais puisque le Saint Père rappelle la nécessité de l’obéissance aux normes liturgiques, ne peut-on pas souhaiter et demander que des mesures efficaces soient prises envers les contrevenants ? Nous sommes conscients que l’on ne peut pas tout changer d’un seul revers de la main et que cela prendra du temps, mais il faudra bien que l’Eglise fasse preuve d’un peu plus d’autorité, en bonne Mère qu’elle est. Il en va de l’honneur et de la révérence dus à Dieu.
Ainsi la Liturgie est un devoir, et même « le principal devoir » des clercs : « Evêques, prêtres et diacres, chacun selon son degré, doivent considérer la célébration comme leur principal devoir. » Ce devoir incombe en premier lieu à l’Evêque diocésain, « premier dispensateur des mystères de Dieu dans l’Eglise particulière qui lui est confiée, guide, promoteur et gardien de toute la vie liturgique. » Le Pape ajoute : « il est le liturge par excellence de son Eglise. » Il en exhorte ensuite « à faire tout ce qui est nécessaire pour que les célébrations liturgiques présidées par l’Evêque dans l’Eglise Cathédrale se déroulent dans le plein respect de l’ars celebrandi. » Souhaitons que cet ars celebrandi ne soit plus soumis à l’arbitraire subjectiviste de certains prélats aux gouts étranges. Il faut parfois faire preuve d’imagination pour comprendre en assistant à certaines messes célébrées pourtant par l’Evêque en sa Cathédrale, qu’il s’agit là du renouvellement non sanglant du sacrifice de la Croix selon l’esprit et la doctrine catholiques. Lorsque l’on sait que l’église Cathédrale, qui est l’église-mère du diocèse est sensé être « le modèle pour toutes les autres églises du territoire », comme le rappelle encore le Pape, on ne s’étonnera plus de l’originalité de certains offices de-ci de-là.
La beauté de la Liturgie doit aussi s’exprimer à travers les arts sacrés : architectures, sculpture, peinture. « Il est nécessaire qu’en tout ce qui concerne l’Eucharistie, on ait le goût de la beauté » souligne le Pape. Le chant liturgique doit en particulier faire l’objet d’un soin particulier, en ce sens qu’il exprime la louange de Dieu. Le chant grégorien, en particulier, est et demeure, comme le rappelait déjà le Concile Vatican II, « le chant propre de la liturgie romaine. »
Le Saint Père entre ensuite dans des considérations plus pratiques, affirmant « l’unité de l’action liturgique. » Certes nous pouvons distinguer la Liturgie de la Parole de la Liturgie Eucharistique, pour reprendre la terminologie actuelle, mais distinguer n’est ni dissocier ni opposer. La messe est le sacrifice de Notre Seigneur : il s’agit bien d’un acte unique.
Le Pape en appelle à une plus grande attention envers la Parole de Dieu qui doit être méditée pour pouvoir être appréciée. Bien sûr le prêtre qui offre le sacrifice a tout intérêt à lire les textes de la messe avant de célébrer, mais les fidèles qui assistent peuvent aussi tirer un grand profit d’une lecture de leur missel avant le début de la messe. Celle ci peut s’intégrer par exemple dans leur prière du matin, ou bien la veille au soir.
Un petit paragraphe concerne ensuite « la présentation des dons.» Certes les Sacramentaires anciens rapportent que les fidèles avaient coutumes d’offrir les dons au débuts de l’offertoire, au moins jusqu’au VIIIe siècle. Petit à petit, ces processions d’offrande ont disparu tandis que les prières d’offertoire dites par le prêtre se développaient de par l'influence des Apologies, d’origine Gallicane, passées dans le rit Romain aux VIIIe – IXe siècles. Or le Novus Ordo a renversé la tendance. Nous déplorons le fait que les prières de son offertoire soient réduites à une peau de chagrin, tandis que bien souvent on amplifie l’importance de la procession des offrandes, au point d’en faire parfois un véritable show. Benoît XVI en appelle toutefois à une certaine sobriété : « Ce geste, pour être vécu dans sa signification authentique, n’a pas besoin d’être amplifié par des complications inopportunes. »
Même remarque pour le geste de paix, « qui peut prendre des expressions excessives, suscitant un peu de confusion dans l’assemblée juste avant la Communion. » Le fait est que parfois, ce n’est pas « un peu de confusion » mais un immense brouhaha qui précède la Sainte Communion. Là encore, il semble que ce soit sagesse de l’Eglise d’avoir supprimer ce geste de paix pour les fidèles, réapparu dans le missel de 1969. Les arguments psychologiques donnés par le Pape pour justifier ce ‘baiser de paix’ ne me semblent guère convaincants : « A notre époque, si terriblement éprouvée par le poids des conflits, ce geste prend, même du point de vue de la sensibilité commune, un relief particulier en ce que l’Eglise considère toujours plus comme sa tâche propre, à savoir d’implorer du Seigneur le don de la paix et de l’unité pour elle-même et pour la famille humaine tout entière. » Bien sûr, il nous faut faire preuve de compassion, de charité et veiller à tisser des liens entre les hommes. Mais le Christ le fait mieux que nous. En rapprochant les âmes du Christ, on arrivera certainement à de bien meilleurs résultats en ce domaine. Une préparation adéquate à la Sainte Communion semble plus appropriée qu’une effusion de sentiments qui ne peuvent n'être parfois que trop humains.
Au sujet de la distribution de la Sainte Communion, le Pape renvoie aux documents récemment publiés, principalement Redemptionis Sacramentum du 25 mars 2004. Une fois encore, on observe dans grand nombre d’églises – à vrai dire, presque partout au moins en nos pays occidentaux – des abus. Quelle signification doit-on ainsi donner au mot ‘extraordinaire’ lorsque l’on voit des ministres dit ‘extraordinaires’ partout ? Il est heureux que la Pape demande à ce que l’on « s’en tiennent fermement aux normes en vigueur » mais comment cela sera t’il suivi dans la pratique ? En outre, c’est le principe même de la communion dans la main que nous contestons.
Enfin, le Pape rappelle que « l’Ite missa est » est un envoi en mission. Nourris aux pieds des autels, nous pouvons repartir, riches du Christ, témoigner de notre Foi, de notre Amour et de notre Espérance. Que Notre-Dame nous conforte dans ces vertus.
A suivre...
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