mercredi, mars 07, 2007

Le jeûne selon Saint Basile ( suite )

les trois enfants dans la fournaise ( Daniel III )

Il est une sorte de pierre appelée amiante, qui ne peut être consumée par le feu, et qui, jetée dans les flammes, paraît être réduite en charbon, mais qui en étant tirée n'en est que plus pure comme si elle eût été lavée dans l'eau. Tels étaient les corps des trois enfants de Babylone ; le jeûne leur donnait la vertu de l'amiante. Au milieu d'une ardente fournaise, supérieurs au feu, comme s'ils eussent été d'or , ils n'en reçurent aucun dommage : ils parurent même plus puissants que l'or , puisque le feu, loin de fondre leurs chairs, les conservait intacts. Cependant rien alors ne résistait à une flamme , dont la violence redoublée par des amas de sarments , de souffre et de bitume , s'étendait à quarante-neuf coudées, dévora tous les objets environnants, et consuma nombre de Chaldéens. Entrés avec le jeûne dans un incendie aussi terrible , les trois jeunes hommes le foulèrent aux pieds : ils respiraient un air doux et suave au milieu d'un feu violent, qui respecta même leur chevelure , parce que c'était le jeûne qui l'avait nourrie et entretenue. Daniel , cet homme de désir, après avoir passé trois semaines sans manger de pain et sans boire de vin , apprit aux lions à jeûner dans la fosse : leurs dents ne purent entamer son corps, comme s'il eût été de pierre, ou de fer, ou de quelque autre matière plus dure. Le jeûne avait donné au corps du Saint une trempe de nature à émousser les dents de ces animaux féroces , qui n'entreprirent pas même de le dévorer. Ainsi le jeûne éteint les flammes et adoucit les lions.

Le jeûne sert d'ailes à la prière pour s'élever en haut et pénétrer jusqu'aux cieux. Le jeûne est le soutien des maisons, le père de la santé, l'instituteur de la jeunesse, l’ornement des vieillards, l'agréable compagnon des voyageurs, l'ami sûr des époux. Un mari ne soupçonne pas la fidélité de sa femme, quand il la voit faire du jeûne ses délices: une femme n'est pas jalouse de son mari , quand elle le voit chérir et embrasser le jeûne. Le jeûne n'a jamais ruiné une maison. Comptez ce que vous avez de bien aujourd’hui ; comptez encore par la suite, et vous ne trouverez pas que le jeûne ait rien diminué de votre fortune. Lorsque l'abstinence règne, nul animal ne déplore son trépas : le sang ne coule nulle part, nulle part une voracité impitoyable ne prononce une sentence cruelle contre les animaux : le couteau des cuisiniers se repose; la table se contente des fruits que donne la nature. Le sabbat avait été donné aux Juifs , pour qu'ils laissassent reposer leurs bêtes de somme et leurs serviteurs ( Exode. 20. 10.).
Que le jeûne donne quelque relâche à ceux qui vous servent toute l'année, qu’ils respirent de leurs continuels travaux. Qu'on n'entende plus dans votre maison tout ce tumulte, que la fumée et l'odeur des viandes en soient bannies; que cette foule d'hommes diversement employés au service de la table, qui vont et qui viennent sans cesse exécuter les ordres du ventre, de ce maître dur et sans pitié, se tiennent enfin tranquilles. Les collecteurs des tributs laissent au moins quelques moments de repos à ceux qui sont sous leur juridiction: que le ventre fasse au moins avec nous une trêve de cinq jours (1), ce ventre insatiable, qui demande toujours et n'est jamais satisfait, qui a déjà oublié aujourd'hui ce qu'on lui donna hier.

(1) Une trêve de cinq jours , sans doute pendant chaque semaine de carême : car les Grecs ne jeûnaient ni le dimanche, ni le samedi. Au reste, nous voyons ici que, quand ils jeûnaient, leur jeûne était beaucoup plus austère que le nôtre, puisqu'il n’y avait alors chez eux presqu’aucune cuisine.

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