jeudi, octobre 09, 2008

Tout désespoir en politique est une sottise

Ces mots, tirés du préambule de l’Avenir de l’Intelligence, ont été écrits par Charles Maurras en 1905. Ils me paraissent – en ce jour où les menaces d’une crise économique majeure alarment nos contemporains – plus que jamais d’actualité. Ce n’est pas l’Or mais l’Intelligence qui sauvera la cité. Et Maurras l’agnostique de reconnaitre le rôle de l’Eglise dans ce combat pour la pensée : elle est bien le dernier organe de l’esprit pur !



De l’autorité des princes de notre race, nous avons passé sous la verge des marchands d’or, qui sont d’une autre chair que nous, c’est-à-dire d’une autre langue et d’une autre pensée. Cet Or est sans doute une représentation de la Force, mais dépourvue de la signature du fort. On peut assassiner le puissant qui abuse : l’Or échappe à la désignation et à la vengeance. Ténu et volatil, il est impersonnel. Son règne est indifféremment celui d’un ami ou d’un ennemi, d’un national ou d’un étranger. Sans que rien le trahisse, il sert également Paris, Berlin et Jérusalem. Cette domination, la plus absolue, la moins responsable de toutes, est pourtant celle qui prévaut dans les pays qui se déclarent avancés. En Amérique elle commence à peser sur la religion, qui ne lui échappe en Europe qu’en se plaçant sous la tutelle du pouvoir politique, quand il est fondé sur le Sang.
Sans doute le catholicisme résiste, et seul : c’est pourquoi cette Eglise est partout inquiétée, poursuivie, serrée de fort près. Chez nous, le Concordat l’enchaine a l’Etat, qui lui-même, est enchainé à l’Or, et nos libres penseurs n’ont pas encore compris que le dernier obstacle à l’Impérialisme de l’Or, le dernier fort des pensées libres est justement représenté par l’Eglise qu’ils accablent de vexations ! Elle est bien le dernier organe autonome de l’esprit pur. Une intelligence sincère ne peut voir affaiblir le catholicisme sans concevoir qu’elle est affaiblie avec lui : c’est le spirituel qui baisse dans le monde, lui qui régna sur les argentiers et les rois ; c’est la force brutale qui repart à la conquête de l’univers. (…)


L’or, divisible à l’infini, est aussi diviseur immense : nulle patrie n’y résista. Je ne connais point l’utilité de la richesse pour l’individu. L’intérêt de l’homme qui pense peut être d’avoir beaucoup d’or, mais l’intérêt de la pensée est de se rattacher à une patrie libre, que pourra seule maintenir l’héréditaire vertu du Sang. Dans cette patrie libre, la pensée réclame pareillement de l’ordre, celui que le Sang peut fonder et maintenir. Quand donc l’homme qui pense aura sacrifié les commodités et les plaisirs qu’il pourrait acheter à la passion de l’ordre et de la patrie, non seulement il aura bien mérité de ses dieux, mais il sera honoré devant les autres hommes, il aura relevé son titre et sa condition. L’estime ainsi gagnée rejaillira sur quiconque tient une plume. Devenue le génie sauveur de la cité, l’Intelligence se sera sauvée elle-même de l’abime où descend notre art déconsidéré. (...)


Je comprends qu’un être isolé, n’ayant qu’un cerveau et qu’un cœur, qui s’épuisent avec une misérable vitesse, se décourage, et tôt ou tard, désespère du lendemain. Mais une race, une nation sont des substances sensiblement immortelles ! Elles disposent d’une réserve inépuisable de pensées, de cœurs et de corps. Une espérance collective ne peut pas être domptée. Chaque touffe tranchée reverdit plus forte et plus belle. Tout désespoir en politique est une sottise.

Charles Maurras, L'Avenir de l'Intelligence (1905)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Donnez-nous plus d'articles comme celui-ci. Notre confiance -l'abandon a la volonte du Seigneur- est mise a l'epreuve.
Tous les matins, je dis "Je suis toute a vous, et .....tout ce que j'ai vous appartient", et chaque matin, j'ai un pincement de coeur en me disant "Est-ce que je le pense vraiment?". Est-ce que je suis prete a tout perdre?