vendredi, avril 11, 2008

L'Incarnation, oeuvre de l'Esprit Saint (suite)

Par Dom Paul Delatte
Nous poursuivons notre méditation du mystère de l’Incarnation avec Dom Delatte. Les propos du moine n’ont d’autre ambition que de nous inviter à la méditation de ce mystère, car l’intelligence seule ne saurait nous en dévoiler les secrets. Il y faut aussi le cœur, car nous sommes face à un mystère de « tendresse. » La théologie spéculative nous est nécessaire, du fait de notre condition, mais elle doit impérativement s’accompagner de l’esprit d’enfance qui nous fait nous émerveiller devant l’œuvre divine, tel le petit enfant qui, à la vue d’un admirable spectacle s’écrie : « Oh, c’est beau ! » Admirons et adorons !


Sans aucun doute, ce bienfait nous vient de Dieu : “ Omne donum perfectum desursum est, descendens a Patre luminum.” - Tout don excellent descend d’en haut, du Père des Lumières (Jacques I, 17). Et, à un titre supérieur, ce don est Dieu. Dieu seul peut se donner : nul n’a autorité ni propriété sur Lui.
Ce bienfait est à l’actif de Dieu, du vrai Dieu, de Dieu Père, Fils et Saint-Esprit. Ce n’est pas ici le lieu de répéter après saint Augustin, et toute l’Ecole, que les œuvres de Dieu sont indivises, comme est indivise entre les trois personnes la nature même de Dieu : « Indivisa sunt opera Trinitatis sicut et indivisa Trinitatis essentia. » C’est ainsi que l’Incarnation est sûrement l’œuvre de cette tendresse incréée et profonde, de cette tendresse vivante et première qu’est le Père : et c’est à cette source première que l’Apôtre aime à rapporter l’inestimable bienfait : « At ubi venit plenitudo temporis, misit Deus Filium suum factum ex muliere. » - Lorsque fut venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils, formé d’une femme. (Galates IV, 4) C’est la même doctrine aux Romains : « Qui proprio Filio suo non pepercit, quomodo non etiam cum Illo omnia nobis donavit ? » - Lui qui n’a pas épargné son propre Fils…comment ne nous aurait-il pas donné toute chose avec Lui (Romains VIII, 32). « Sic Deus dilexit mundum ut Filium suum Unigenitum daret. » - Dieu a tellement aimé le monde, qu’il lui a donné son Fils unique (Jean III, 16).

Mais ce bienfait est, de façon spéciale, l’œuvre du Fils,
- parce que c’est en sa personne qu’elle s’est accomplie,
- parce qu’il n’y a nulle contrainte, mais un empressement admirable à accomplir le dessein du Père : les Psaumes nous en ont conservé l’écho : « Tunc dixi : Ecce venio. In capite libri scriptum est de me ut facerem Deus voluntatem tuam : Deus meus volui et legem tuam in medio cordis mei. » - Alors j’ai dit : Au début du livre il est écrit que je viens faire votre volonté. Je la veux, ô mon Dieu ! et votre loi est au milieu de mon cœur (Psaume XXXIX, 1).
Et n’est-ce pas un sujet de la plus douce contemplation, qu’au même instant de la durée Dieu ait reçu de la Vierge et du Fils de Dieu ce double et unique témoignage d’obéissance et d’adoration :
« Ecce venio ut faciem voluntatem tuam… » - Je viens faire votre volonté (Hébreux X, 7)
« Ecce ancilla Domini, fiat mihi secundum verbum tuum. » - Voici la servante du Seigneur : qu’il me soit fait selon votre parole (Luc I, 38).


Et pourtant, malgré cette part de privilège que semblent pouvoir revendiquer dans l’œuvre de l’Incarnation la Personne qui envoie et la Personne qui est envoyée, la doctrine catholique paraît s’être complu à attribuer au Saint-Esprit l’œuvre divine. Même dans l’Evangile, l’Ange dit à la Vierge : « Spiritus Sanctus superveniet in te et virtus Altissimi obumbrabit tibi. » - L’Esprit-Saint surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre (Luc I, 35). Et c’est la voix de tous les symboles qui, depuis les Apôtres jusqu’au dernier jour du monde et jusque dans l’Eternité redira ces paroles : « Qui conceptus est de Spiritu Sancto. »
Les maîtres de la doctrine nous ont expliqué à quel titre l’Eglise attribue à l’Esprit de Dieu l’accomplissement du mystère. N’était-il pas naturel de montrer la gratuité infinie, la pure bienveillance de l’œuvre qui s’accomplissait ici, en la mettant au compte et à l’actif de Celui qui est le don de Dieu ? Si c’est le don de Dieu qui agit, l’œuvre est donc de pure bienveillance. Nul mérite antérieur.

Ils ont invoqué une autre raison : une œuvre d’amour appartenait naturellement à Celui qui est, dans la Trinité, l’amour subsistant : « Sic Deus dilexit mundum ut Filium suum Unigenitum daret. » - Dieu a tant aimé le monde qu’Il lui a donné son Fils Unique (Jean III, 16)
Enfin, ont-ils ajouté : le terme de l’Incarnation devait être une sainteté créée, mais éminente. Même en nous. C’est à l’Esprit de Dieu que remonte l’œuvre de la sanctification : « Quoniam estis filii, misit Deus Spiritum Filii sui in corda vestra. » - Parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé dans vos cœurs l’Esprit de son Fils (Galates IV, 6). A un titre plus haut, la sainteté du Seigneur : « Spiritus Sanctus superveniet in te et virtus Altissimi obumbrabit tibi, ideoque et quod nascetur ex te Sanctum, vocabitur Filius Dei. » - L’Esprit-Saint surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. C’est pourquoi l’être saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu (Luc I, 35).
Est-il permis de glaner là où d’autres ont moissonné ? Ont-ils absolument épuisé les harmonies du mystère ? Ne pouvons-nous pas nous rappeler aussi que l’œuvre qui s’accomplissait alors, c’était l’union ineffable de la personne divine avec une nature humaine ?

( A suivre )

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