mardi, avril 29, 2008

L'Incarnation, oeuvre de l'Esprist Saint (suite et fin)

Par Dom Paul Delatte, o.s.b.


Cette union avait eu ses préliminaires de droit, cet ensemble de précautions respectueuses et tendres, sans lesquelles l’Incarnation eût été une œuvre de puissance, mais où la créature eût été aussi passive qu’au jour de la création. Ce n’aurait pas été un mariage égal, justae nuptiae, entre Dieu et l’humanité. Libre du côté de Dieu, nous l’avons dit, l’Incarnation fut libre comme un contrat, libre comme un mariage du côté de la nature humaine : et ce n’est pas seulement la prière liturgique « suscipe verbum, virgo Maria » - on pourrait la considérer comme une poétique mise en scène – c’est la théologie la plus sévère qui nous montre Dieu sollicitant, attendant le consentement de la Vierge comme le consentement de la nature humaine à l’union qui allait s’accomplir : « Expectabatur consensus Virginis tamquam totius humanae naturae. » (IIIa pars Q.30, art 1)
Mais, une fois ces préliminaires achevés, une fois obtenu le consentement des deux volontés : la volonté de Dieu et la volonté de la Vierge, à l’union dans le sein de cette Vierge bénie, de la nature divine et de la nature humaine, à qui revenait de droit et à raison de son caractère personnel, de former ce nœud de l’union hypostatique pour le temps et l’éternité ? Il me semble que c’est à l’Esprit de Dieu. C’est à lui que revient l’œuvre de l’union. Parce que c’est Lui qui est le nœud et le lien de la Trinité, parce qu’Il poursuit à l’extérieur l’œuvre qu’Il accomplit dans la Trinité, toutes œuvres d’union Lui reviennent.
A Lui l’union du Père et du Fils, à Lui l’union surnaturelle à Notre Seigneur Jésus-Christ, à Lui l’union hypostatique. Il est le lien étroit, indissoluble, de toutes les unions surnaturelles parce qu’Il est l’amour et la pureté vivante : « Et nos cognovimus et credidimus caritati quam habet Deus in nobis. » - Et nous nous savons, et nous croyons à l’amour que Dieu nous porte (1 Jean, IV,16). Nous ne contesterons pas : « Et nos cognovimus… » - « Ut societas nostra sit cum Patre et cum Filio ejus Jesu Christo. » - Que notre societé soit avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ. (1 Jean I,3)
Et credidimus caritati : un motif de charité, un motif de désintéressement : si nous sommes aimés, si Dieu nous aime, rien n’importe. Tout est sauf si nous sommes aimés et nous savons que Dieu nous aime.




Je remarquais, il y a quelques jours, l’union ou, mieux, l’unité du Seigneur et de sa Mère. Il n’y avait qu’un cœur et qu’une âme. Néanmoins, il peut survenir entre les Saints des désaccords de détail. Et je crois reconnaitre quatre circonstances où la volonté de Notre Dame et la volonté du Seigneur se séparèrent :



- Lorsque le Seigneur, âgé de douze ans, demeura à Jérusalem. Le jeune adolescent voulait déjà exercer son ministère. Il avait la sagesse voulue : stupebant. Il avait des paroles extraordinaires : « Quid est quod me quaerebatis – Pourquoi me cherchiez-vous ? » Si on ne l’avait pas cherché ! Notre Dame, plus grave, trouvait que c’était trop tôt.

- A l’âge de trente ans, les vouloirs furent contraires encore, mais inversement à la circonstances présente. J’ai vu la tendresse profonde, douce et grave de cet amour-là. Le Seigneur avait goûté de Notre Dame. Il s’était accoutumé, Il avait réussi, Il aurait près d’elle oublié tout le monde, Il se faisait prier. C’était elle, cette fois, qui le poussait : les noces de Cana : « Manifestavit gloriam suam et crediderunt discipuli ejus – Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en Lui. » Mais, cette fois encore, Il fit ce que voulait sa Mère.

- Lorsque vint la mort ou dormition de Notre Dame. Le Seigneur crut qu’elle n’avait pas à satisfaire, elle, l’Immaculée, et que, pour suffire à son rôle de corédemptrice, son étonnante présence au calvaire était assez. Notre Dame ne pensait pas ainsi : « Alors, nous ne sommes plus un ? J’ai vécu votre vie. Comment nous nous aimions, Vous le savez. Vous êtes passé par la mort, pourquoi ne voulez-vous pas que j’y passe comme Vous, après Vous ? Ce sera une ressemblance avec Vous. Et ce sera une force pour mes enfants, vos frères. » Elle l’obtint encore. Et le Seigneur calque l’historique des deux morts.


- A la glorification : ma gloire c’est Vous. C’est Vous mon joyau. Je n’ai pas besoin de gloire créée. Est-ce que Vous ne m’êtes pas plus de dix diadèmes ? J’ai besoin de Vous voir heureux, j’ai besoin de Vous voir glorieux, de voir votre gloire. Une gloire personnelle me sera importune. Je suis de l’Incarnation. Je suis du mystère de l’effacement. On me dira bienheureuse. Mais donnez-moi de n’avoir d’autre gloire que Vous.
Et je crois qu’elle l’obtint encore : « Nonne gloria mea vos estis ? – N’êtes-vous pas ma gloire ? ( Cf : I Thess II,19-20) Gaudium meum et corona mea – Oui, vous êtes ma joie et ma couronne. (Phil IV,1)

Et la gloire de Jésus, c’est sa Mère. Et la gloire de sa Mère, c’est Jésus.

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