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Participation active et inculturation
Le Saint Père revient ensuite sur le sujet de la participation active des fidèles, rappelant que « la Constitution conciliaire Sacrosanctum Concilium exhortait les fidèles à ne pas assister à la liturgie eucharistique comme des spectateurs étrangers et muets, mais à participer de façon consciente, pieuse et active à l’action sacrée. »
Une quinzaine d’années avant le Concile, le pape Pie XII encourageait vivement cette participation des fidèles. Car c’est précisément l’un des effets de notre baptême que de nous rendre capable de participer à la Sainte Liturgie. « Que les fidèles considèrent donc à quelle dignité le bain sacré du Baptême les a élevés, et qu’ils ne se contentent pas de participer avec l’intention générale qui convient aux membres du Christ et aux fils de l’Eglise » écrivait-il.
Certes, cette participation se doit d’être intérieure et en esprit – nous y reviendrons avec le propos de Benoît XVI – mais elle n’exclue pas la participation extérieure, et en cela, elle est bien conforme à notre nature humaine qui fait de nous des êtres à la fois spirituels et corporels. Pie XII avait déjà donné des recommandations sur les moyens de promouvoir cette participation. Il est ainsi très souhaitable que les fidèles aient un missel et qu’ils sachent l’utiliser ; les prêtres y veilleront. Les fidèles seront ensuite encouragés à répondre « d’une façon bien réglée aux paroles du prêtre » ou encore à « se livrer à des chants en rapport avec les différentes parties du Sacrifice. » Il y a très certainement toute une éducation à faire afin que chacun puisse reconnaître la grandeur du Sacrifice et puisse ensuite y participer de la façon la plus convenable autant qu’il est possible de le faire. Il est malheureusement vrai que lorsque les prêtres négligent leur préparation avant de monter à l’autel, les fidèles ne sont guère portés à faire des efforts. Qu’il le veuille ou non, le prêtre, liturge par excellence de par sa fonction et de par son être même, est un exemple que l’on suit…pour le meilleur ou pour le pire. On comprendra dès lors l’importance capitale d’une bonne formation liturgique du clergé. Pie XII demandait que « le jeune clergé soit formé à l’intelligence des cérémonies sacrées et à la compréhension de leur majestueuse beauté » non pas pour seul motif d’érudition, « mais surtout pour qu’il s’adonne, dès le cours de sa formation, à une très intime union avec le Christ-Prêtre et devienne un saint ministre des choses saintes. » Le prêtre est en effet d’abord « un saint ministre des choses saintes. » S’il en est conscient, alors il formera ses ouailles et les encouragera à s’unir au sacrifice qu’il offre chaque jour à l’autel : « Orate fratres… Priez, mes Frères, pour que mon sacrifice, qui est aussi le votre, puisse être agréé par Dieu le Père Tout-Puissant. » Alors les fidèles s’uniront de bouche et de cœur pour chanter la gloire de Dieu et répondre ainsi au souhait de l’Eglise qui désire voir ses enfants unis dans une même prière, expression de la même foi.
Tout en encourageant la participation active des fidèles, il faudra se garder d’une certaine confusion qui peut en résulter si elle n’est pas bien comprise. Tous en effet, ne sont pas ministres ordonnés. Participer activement à la Liturgie ne signifie pas usurper les fonctions du prêtre ou de tout autre ministre ordonné. Car c’est bien « en vertu de l’Ordre sacré qu’il a reçu, que le prêtre représente Jésus-Christ, Chef de l’Eglise » comme le réaffirme Benoît XVI. Certes le Pape nous rappelle que le prêtre, et lui seul, préside la célébration eucharistique. Mais il est bien plus qu’un président d’assemblée. Il est, lorsqu’il célèbre la messe, Jésus-Christ in persona, Prêtre et Victime. Il a ce pouvoir unique et inouï de dire : « Prenez et mangez en tous car ceci est mon corps ! Prenez et buvez-en tous, car ceci est le calice de mon sang. » Et, disant cela, en vertu du pouvoir reçu au jour de son ordination, il réalise, au nom du Christ, ce qu’il dit ; il ré-actualise l’unique Sacrifice de notre Rédempteur. Grandeur du prêtre !
Le Pape nous offre ensuite un paragraphe (54) qui n’est pas sans nous rappeler le style de son prédécesseur, tant pour la forme que pour le fond. Il est fait mention des « affirmations fondamentales du Concile Vatican II » que l’on peut trouver dans la Constitution sur la Liturgie Sacrosanctum Concilium (paragraphes 37 à 42). Il s’agit de la délicate question de l’inculturation. Le Saint Père, à la suite du Concile laisse la porte ouverte « à certains aménagements appropriés aux divers contextes et aux différentes cultures. » Nous ne nions pas ce principe, mais nous ne pouvons qu’appeler à une grande prudence pour son application. Le Pape reconnaît lui-même l’existence d’abus qui ne doivent pourtant pas entacher « la clarté de ce principe. » Principe clair en lui-même…admettons ! En revanche ses applications pratiques ne le sont certainement pas tout autant. Le paragraphe 38 de la Constitution conciliaire affirme : « Pourvu que soit sauvegardée l’unité substantielle du rite romain, on admettra des différences légitimes et des adaptations à la diversité des assemblées, des régions, des peuples, surtout dans les missions, même lorsqu’on révisera les livres liturgiques ; et il sera bon d’avoir ce principe devant les yeux pour aménager la structures des rites et établir les rubriques. »
« Pourvu que ceci soit sauvegardé… on pourra faire cela ! » Voilà un grand principe des réformes liturgiques des dernières années qui engendre bien souvent une grande confusion. Il est demandé que soit sauvegardée « l’unité substantielle » du rite romain. Cela signifie-t-il que l’on puisse en changer les « accidents » ? Mais qu’est ce qui est substantiel et qu’est ce qui est accidentel dans un rite ? Un rite se doit d’exprimer de façon humaine des réalités divines et mystérieuses. Le rite est à la fois signes de ces réalités, mais il est aussi mystère en lui même. Si l’on amplifie trop l’aspect humain, le signe devient une fin en lui même et l’on en vient à en oublier la réalité. Nombreux sont ainsi les Catholiques, pourtant fidèles, qui vont encore à la messe, mais qui ignorent qu’ils assistent alors au renouvellement non sanglant du Sacrifice de la Croix. Le rite devient alors l’expression de l’assemblée qui se célèbre elle-même. Certes, Dieu n’est pas rejeté de cette assemblée, mais tout de même : quelle dévaluation de sa Grandeur ! Le rejet du mystère ne peut qu’aboutir à une forme de naturalisme liturgique.
On pourra faire remarquer que l’excès inverse peut être tout aussi dommageable. S’il ne reste plus rien d’humain dans un rite, alors que pouvons-nous en saisir ? N’y a t’il pas danger de voir les églises se vider si le rite n’est plus qu’un ensemble de gestes et de paroles incompréhensible pour le commun des mortels ? La liturgie serait alors réservée à une petite élite suffisamment instruites des choses d’En-haut pour pouvoir en goûter la saveur.
Conscient du fait qu’il faille éviter ces deux écueils, Benoit XVI, à la suite de Jean-Paul II et du Concile, semble naviguer entre deux eaux, sans vouloir choisir un cap précis. Le Concile crée officiellement les laboratoires liturgiques au paragraphe 40 alinéas 2 : « Pour que l’adaptation se fasse avec la circonspection nécessaire, faculté sera donné par le Siège apostolique à l’autorité ecclésiastique territoriale de permettre et de diriger, le cas échéant, les expériences préalables nécessaires dans certaines assemblées appropriées à ces essais et pendant un temps limité. »
C’est pour le moins surprenant ! Les fidèles sont-ils des cobayes de laboratoire que l’on peut utiliser pour des expériences liturgiques ? Certes, on n’avait pas attendu l’aval du Concile pour commencer les expériences liturgiques, mais jusqu’alors les autorités romaines, tout en encourageant le Mouvement Liturgique, bon en soi, veillaient à en réfréner les abus. Ainsi, Pie XII reconnaissait que « l’Eglise est un organisme vivant » et que par conséquent, « la Liturgie sacrée croît, se développe, évolue, et s’accommode aux formes que requièrent les nécessités et les circonstances au cours des temps. » Mais il avait soin aussi de « réprouver l’audace tout à fait téméraire de ceux qui, de propos délibérés, introduisent de nouvelles coutumes liturgiques ou font revivre des rites périmés, en désaccord avec les lois et rubriques maintenant en vigueur. »
On pourra objecter que la situation n’est plus la même, puisque les rubriques et lois actuelles laissent justement une plus grande liberté dans le domaine liturgique. Ainsi il n’y aurait plus « d’audace téméraire » à faire ce qui est désormais licite. Posons alors la question : le problème liturgique actuel ne serait-il pas précisément lié à cette liberté d’initiative accordée par le Saint Siège ? Attention, nous ne disons pas qu’il faille y voir la cause du désastre liturgique ; mais nous ne pouvons nous empêcher de penser qu’il existe bien un lien.
Ainsi, sous prétexte d’inculturation, le Pape abandonne sa prérogative en matière liturgique au profit des autorités locales – la plupart du temps, les Conférences épiscopales. Certes, le Pape peut déléguer, nous ne remettons pas cela en question, mais les résultats sont bien malheureux.
Je terminerai ce sujet par un exemple. Le Mandatum – lavement des pieds – du Jeudi Saint est un rite cher aux fidèles car il exprime de façon très sensible et humaine l’Amour du Christ pour les hommes. Le célébrant, qui représente le Christ, lave les pieds de douze hommes, qui représentent les Apôtres. Le Pape Jean Paul II avait pris soin de rappeler que l’on doit prendre uniquement des hommes pour cette cérémonie, puisque les Apôtres étaient des hommes. Cela avait engendré une polémique dans l’archidiocèse d’Atlanta lorsque Monseigneur Donoghue, alors en charge, avait voulue appliquer les directives romaines. En signe de protestation, une association de féministes avait organisé une cérémonie pastiche en face de la cathédrale à l’occasion de laquelle douze représentantes de la gente féminine eurent les pieds lavés.
L’année suivante, nous changions d’Archevêque, et le nouvel arrivant semblait plus sensible aux problèmes d’inculturation. La question du choix exclusif d’hommes pour le lavement des pieds avait été soulevée lors d’une réunion des prêtres du diocèse. L’Archevêque répondit alors qu’il ne voulait d’aucune façon manquer de respect au Saint Père, mais qu’il était nécessaire de tenir compte des particularités et de la culture locales. Aussi décida t’il que pour la messe du Jeudi Saint à la cathédrale, il serait choisit 6 hommes et 6 femmes. N’est-ce pas tronquer la réalité signifiée par le rite du lavement des pieds, en étroite connexion avec l’institution du Sacerdoce, au profit d’une inculturation qui en l’occurrence ne se justifiait absolument pas ? Certes, il ne s’agit que d’un exemple, mais cet exemple me semble parfaitement illustrer l’incohérence liturgique de la pratique actuelle. Il y a encore beaucoup à faire en ce domaine. Puisse Dieu nous donner sa grâce afin que nous puissions humblement et vaillamment poursuivre l’œuvre de restauration.
A suivre...
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