Si la fête de ce jour vient tempérer les austérités du Carême, en revanche sa signification profonde - la réalité du mystère que nous célébrons - ne contraste nullement avec le sens et l’esprit du Carême. Certainement la discipline est adoucie en ce jour de joie. La liturgie retrouve un caractère plus joyeux. Mais les mystères de l’Incarnation, celui que nous célébrons aujourd’hui, et de la Passion, que nous contemplons ces jours-ci, ne sont que deux aspects d’une même réalité. Ce que nous voyons se dérouler chronologiquement devant nous, et que l’année liturgique nous fait revivre, depuis ce jour où le Verbe s’est fait chair, jusqu’à celui où Il remit Son esprit entre les mains de Son Père, tout ne participe quà une seule et grande oeuvre: celle de notre Rédemption!
Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui étair perdu, nous dit Notre Seigneur. Il est venu pour Son heure lisons-nous en saint Jean, et c’est à cette heure même qu’Il aima ses disciples jusqu’au bout, c’est -à-dire jusqu’à en mourir sur la Croix ! Voilà la raison magnifique et dramatique de l’Incarnation: la Croix qui opèrera l’oeuvre de notre Rédemption, acte sublime d’amour ! Oh que nous serions bien inspiré de méditer sur l’amour qui ose tout, qui permet tout, qui rend possible ce qui était le plus impensable. Car qui aurait jamais imaginer que Dieu puisse se faire homme ? Qui aurait pu imaginer que cet Homme-Dieu puisse s’abaisser, souffrir et mourir dans un acte généreux et fou - mais l’amour est folie - en donnant tout de Lui-même sans compter ? Oui si Dieu s’est fait homme c’est bien pour nous sauver - propter nostram salutem disons-nous dans notre Credo.
On ne peut comprendre l’amour de Dieu sans la Croix, et inversement on ne peut comprendre la Croix, folie et scandale, sans l’Amour. Et qui mieux que la Très Sainte Vierge Marie peut comprendre cet Amour, elle qui était au pied de la Croix, offrant son Fils crucifié et sanglant dans un acte que nul autre ne saurait surpasser, si ce n’est ceux de son Fils, en beauté, dignité et parfait abandon ? Et c’est en elle, arche de la Nouvelle Alliance, que s’accomplit le mystère de l’Incarnation. Et ce sera avec elle que s’accomplira bientôt le mystère de la Rédemption. C’est en elle, en son sein que le Verbe se fit chair, que l’amour divin se révéla physiquement, de même qu’en chaque mère le fruit de l’amour se manifeste quand une nouvelle vie commence. Et il est beau et touchant de voir que le fruit de l’amour humain est une vie nouvelle. Il est encore plus beau et plus touchant de voir que le fruit de l’Amour divin est une nouvelle vie pour ceux qui était mort.
Le Verbe Incarné est bien justement Celui qui révèle par son Incarnation et sa mort la valeur de toute vie humaine qui n’a pas d’autre prix que celui du sang du Christ. Toute vie humaine sans exception parce que le Christ est mort pour tous sans exception. Dieu est l’auteur de la vie. Mais la mort est entré dans le monde. Alors Dieu viendra aussi dans le monde, se faisant mortel pour racheter la vie. C’est cela le sens de l’Incarnation qui éclatera au grand jour le Vendredi Saint par la mort du Christ, mort qui n’est que le prélude de la Résurrection. Le péché est un non-sens; la mort est une absurdité, conséquence du péché; la souffrance est un scandale ! car si Dieu est Amour et vie, comment peut-il les permettre ? La réponse nous est donnée, elle brille, radieuse et lumineuse devant nos yeux: c’est Jésus crucifié ! Encore nous faut-il l’accepter dans la foi, car sans elle, la Passion et la mort du Christ ne sont qu’une absurdité de plus.
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