C’est le grande hymne à la charité que l’Eglise propose à notre meditation en ce dimanche de la Quinquagesime. Saint Paul nous dit que la charité ne passera jamais. “Qu’est-ce-que-cela veut dire,” s’interroge André Comte Sponville. “Tout le monde a entendu ce texte dix fois sans se poser la question. Heureusement, un jour Saint Augustin en relisant peut-être pour la centième fois ce texte se demande: qu'est-ce-que ça veut dire: tout le reste passera, la charité seule ne passera pas? Est-ce-que ça veut dire que la foi passera? Est-ce-que ça veut dire que l'espérance passera?”
André Comte Sponville se définissait comme un athée fidèle. D’autres ont vu en lui un chrétien athée. Il n’avait certainement pas la foi, pourtant les mots de l’Apotre l’ont touché. Et s’il faut nous garder de l’imiter dans son athéisme, peut être devrions-nous nous laisser toucher par les mots de Saint Paul afin que nous ne devenions pas à des cymbales retentissantes et que notre foi ne demeure vaine et stérile. Pour Comte Sponville, le Royaume de Dieu est un royaume séculaire, car il n’y a justement pas de Dieu. Selon lui, dans ce royaume, il n’y a rien à croire ni à espérer puisque “tout est à faire et à espérer. A faire pour ce qui dépend de nous et à aimer pour ce qui n'en dépend pas. Dès lors que nous sommes ici et maintenant dans le royaume, la question de savoir si ce royaume continue ou pas après la mort est une question dérisoire qui n'a d'importance qu'à proportion de l'intérêt narcissique que nous lui prêtons, au point que je mesure le degré d'élévation spirituelle d'un individu à l'indifférence plus ou moins grande où le laisse cette question.”
Il y a une certaine noblesse dans ces propos et dans cette vision d’un athée, et nous ferions bien de nous en inspirer, chrétiens qui avons recu la foi. Certes, au ciel, il n’y aura plus rien à croire puisque nous verrons et plus rien à espérer puisque nous aurons. Mais ici bas, nous devons vivre de la foi et espérer au delà de toute espérance, sans négliger la charité sans laquelle tout demeurerait vain. Et nous savons que nous pouvons perdre encore ce que nous avons déjà ou espérons encore, parce que rien n’est définitif en cette vie, pas même la vie. Il s’ensuit alors une grande tristesse, qui pour les uns pourra mener au desespoir - de l’absence d’espérance au desespoir, il n’y à qu’un pas - et qui pour d’autres pourra devenir un chemin de rédemption. Dans les deux cas, cela ne se fera pas sans souffrance et cette souffrance sera soit destructive soit rédemptrice. C’est là toute la différence entre un Juda et un Saint Pierre! Mais sans aller jusqu’à ces cas extrêmes, nous devons dire que c’est notre lot en cette vallée de larmes.
Mes frères, il est dans la nature même de l’amour de faire souffrir. Entendez bien que nous parlons de l’amour en notre présente condition, après la chute originelle! Car l’amour en soi est bien au contraire source de joie. Mais ce n’est qu’au ciel que l’amour, qui ne passera pas, ne sera plus que joie. Ici bas il nous faut aimer dans la douleur, et c’est peut être pour cela que peu savent aimer, car peu acceptent la douleur. L’amour est crucifiant! Et Dieu qui est amour s’est fait homme, pour être crucifier par amour! Nous ne comprendrions absolument rien à notre religion si nous n’acceptons pas ce message de l’evangile: le message d’un Dieu fait homme qui meurt par amour sur une croix. Voila pourquoi le grand saint Paul n’a voulu connaitre et prêcher que Jésus Christ et Jésus Christ crucifié!
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