
Car ainsi que l'arbre, tu ne sais rien de l'homme si tu l'étales dans sa durée et le distribues dans ses différences. L'arbre n'est point semence, puis tige, puis tronc flexible, puis bois mort. Il ne faut point le diviser pour le connaître. L'arbre, c'est cette puissance qui lentement épouse le ciel. Ainsi de toi, mon petit d'homme. Dieu te fait naitre, te fait grandir, te remplit successivement de désirs, de regrets, de joies et de souffrances, de colères et de pardons, puis Il te rentre en Lui. Cependant, tu n'es ni cet écolier, ni cet époux, ni cet enfant, ni ce vieillard. Tu es celui qui s'accomplit. Et si tu sais te découvrir branche balancée, bien accrochée à l'olivier, tu goûteras dans tes mouvements l'éternité. Et tout autour de toi se fera éternel.
Éternelle la fontaine qui chante et a su abreuver tes pères, éternelle la lumière des yeux quand te sourira la bien-aimée, éternelle la fraicheur des nuits. Le temps n'est plus un sablier qui use son sable, mais un moissonneur qui noue sa gerbe."
Antoine de Saint-Exupéry, Citadelle
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