mercredi, décembre 13, 2006

Apocalypto dévoilé!

Peut-être vous êtes vous déjà posé la question: que serait l’humanité sans Notre Seigneur Jésus-Christ ? Qu’en serait-il de notre monde si l’Incarnation n’avait pas eu lieu ? Beaucoup nient l’existence de Dieu du fait de l’existence du mal, comme si l’un excluait l’autre. D’une certaine façon, ils ont raison, car le mal ne saurait exister. Il n’est pas ! Il n’a pas d’existence propre. Nous le définissons comme une privation de bien. Nous ne pouvons l’appréhender qu’à la condition d’avoir d’abord défini le bien pour ensuite en nier un aspect. Le mal n’a donc pas d’existence qui lui est propre, et pourtant, nous sommes affectés par lui, ou plutôt infecté au point de ne pas savoir comment en guérir. Saint Paul lui-même reconnaissait son emprise lorsqu’il avouait ne pas faire tout le bien qu’il désirait et faire le mal qu’il ne voulait. Si un saint de cette trempe ne fut pas épargné par le mal – nous parlons ici du mal moral –, qui pourrait l’être, mis à part Notre-Dame par grâce et Notre Seigneur par nature ?

L’histoire des hommes, l’histoire de tout homme est marquée par ce rapport au mal auquel nul n’échappe. D’une façon ou d’une autre, les personnes et les civilisations, y sont confrontées. Mel Gibson dans son dernier film Apocalypto nous montre jusqu’à quelle limite le mal peut étendre son influence au point d’en dénaturer notre humanité.

Apocalypto : un nouveau commencement ! Mais pour qu’il y ait un nouveau commencement, il faut que quelque chose se termine. Tel est l’idée du film qui nous montre la fin d’une civilisation. Une parmi tant d’autre. En son temps, Saint Augustin s’était déjà intéressé à l’histoire des civilisations dans sa grandiose œuvre La cité de Dieu. Celle-ci demeure tandis que les civilisations passent. Souvent, elles s’effondrent d’elle-même, victimes de leurs propres erreurs, de leurs fautes, agonisant sous le poids de leurs propres vices. Il en fut ainsi de Rome dont Salluste nous dit qu’elle fut « peu à peu changée, tombée de sa gloire et de sa vertu dans le vice et la honte. »[1]

Une autre civilisation peut alors prospérer, n’ayant qu’à rebâtir sur les ruines de celle qui l’a précédée. La transition est souvent accompagnée des maux les plus horribles dont le genre humain a le secret, sachant cultiver comme un raffinement l’art de la cruauté. Salluste nous rapporte encore le témoignage de César s’adressant au Sénat : « Vierges enlevées, enfants arrachées des bras de leur mères ; femmes livrées aux outrages des vainqueurs ; maisons et temples pillés ; des armes partout ; des cadavres partout ; le sang et le deuil partout. » Ainsi Rome que l’on considère comme un modèle de civilisation n’a pas échappé à la barbarie. Il s’agissait après tout d’un peuple païen, qui saura d’ailleurs faire preuve de beaucoup de cruauté, lorsque le temps viendra où il s’agira d’éliminer ses enfants qui auront embrassé la Foi au Christ. Et faut-il aller si loin dans le passé pour contempler des prodiges d’horreur ? La Révolution Française est-elle déjà si loin derrière nous pour que l’on en oublie les crimes dignes de ceux commis plus tard par ses enfants, les totalitarismes du soi disant monde moderne ? Pourtant notre vieille Europe avait connu les bienfaits civilisateurs du Christianisme. Cela ne l’épargna pas pour autant de bien des horreurs qui n’arrivèrent pas de l’extérieur mais qui furent engendrés en son sein. Est-ce parce que la civilisation chrétienne – qu’il faut différencier de l’Eglise qui transcende toute civilisation – devait a son tour disparaître afin qu’une autre naisse sur ses ruines ? Et aujourd’hui même, n’assiste-t-on pas à un « choc des civilisations » comme Samuel Huntington le prétend. Ce choc, s’il existe – et nous croyons qu’il existe – ne se fera pas sans grands bouleversements ni sans engendrer certaines peurs. D’ailleurs pourquoi parler au futur de ce qui se réalise déjà aujourd’hui ? Bouleversements et peurs sont bien présents dans le monde actuellement.
[1] Catilina V,9



C’est précisément de bouleversements et de peur qu’il est question dans le film de Mel Gibson. Le film débute par une citation de William Durant, auteur de The Story of Civilization, ouvrage de référence dans les bibliothèques américaines : « A great civilization is not conquered from without until it has destroyed itself from within. » La caméra nous plonge ensuite dans le monde des Mayas du XV siècle, à l’âge de son déclin peu de temps avant qu’une autre civilisation ne s’étende sur son vaste territoire allant du Mexique à l’Honduras.


S’agissait-il vraiment d’une grande civilisation ? Nous avons tendance à la mésestimer pour plusieurs raisons. Peut-être tout d’abord par ignorance. Il est vrai que nous connaissons peu de choses sur les Mayas, mais ‘peu’ n’est pas ‘rien’. Nous en savons assez pour pouvoir porter un jugement de valeur. C’est d’abord une civilisation qui a perduré plus de trente siècles. Or bien souvent, nous ne connaissons des Mayas que ce que nous en ont rapporté les récits des Conquistadors et missionnaires du XVI siècle. A cette période, ils avaient sombré dans la décadence et la barbarie, phase de déclin déjà commencée au X siècle. Mais qu’en était-il auparavant ? Il semble que la civilisation Maya étaient bien avancée dans plusieurs domaines tel que les mathématiques, l’astronomie ou l’architecture. Un sens religieux était donné aux arts et aux sciences. Si ces derniers firent des Mayas une grande civilisation, en revanche, leur religion primitive contribua fortement à son déclin. Le panthéon Maya n’avait rien à envier à celui des Romains. Nous pourrions lui attribuer ces paroles de Saint Augustin qui condamnait ainsi le paganisme romain :
« Et maintenant, par quelles raisons ose-t-on attribuer l’étendue et la durée de l’Empire romain à ces dieux que l’on tient pour légitimement honorés par des jeux infâmes et d’infâmes ministres ? Et d’abord y a-t-il là sens ou raison, quand il est impossible de montrer que la félicité soit le partage d’hommes vivant dans les horreurs de la guerre, dans le sang de leurs concitoyens ou de leurs ennemis, dans le sang des hommes, esclaves de sombres terreurs et de passions sauvages ? » [2]


Car la religion Maya eut certainement un grand rôle dans la disparition de cette civilisation. D’une part, du fait des sacrifices humains qui augmentèrent de façon exponentielle au XV et XVI siècle. D’autre part – et en fait les deux phénomènes sont liés – une croyance ancienne situait la fin du monde au XVI siècle. Il s’ensuivit un phénomène de peur croissante au fur et à mesure que l’échéance approchait.


Cette peur est bien l’un des éléments du film Apocalypto. Les habitants d’un petit village la sentent grandir en eux. Mais pour quelle raison ? Il leur faudra la dominer et la vaincre. Réaction bien humaine. Et c’est précisément d’hommes dont il est question dans ce film. Au delà de la culture Maya, il me semble que Mel Gibson a voulu simplement dresser un portrait de l’humanité. Apocalypto signifie aussi ‘dévoilement’ – ‘unveiling’ comme le fait remarquer le réalisateur. Si le titre du film peut résumer le scénario, nous dirions donc qu’il est question d’un nouveau commencement et d’un dévoilement. L’homme nous est dévoilé dans son humanité avec tout ce qu’elle a de noble, mais aussi avec son cortège d’atrocités. Ainsi le film nous place face à nous-mêmes. Il nous rassure et nous déconcerte tour à tour. Il peut aller jusqu’à nous faire peur en nous montrant de quoi sont capables les hommes pour le pire. Il y a dans ce film un crescendo, une avancée progressive dans le mal, qui nous plonge dans l’antichambre de l’enfer. Et ce serait déjà l’enfer si le temps n’y mettait un terme.


[2] La Cité de Dieu, Livre IV, 3


A ce moment-là, on pourrait s’écrier : mais n’est-ce pas malsain que de nous montrer ceci ? Je ne le pense pas. Je n’ai pas eu cette impression. Je me rappelais au contraire, tandis que s’ébranlait à l’écran la procession démoniaque vers l’autel des sacrifices, les méditations sur l’enfer que Saint Ignace de Loyola nous propose. C’est tout un peuple sous la domination des puissances infernales qui se meut et se noie dans le sang de ses victimes. Le parallèle entre cette foule regroupée autour des pyramides Mayas et la foule qui conspue le Christ dans la Passion est d’ailleurs saisissant. Satan est à l’œuvre dans les deux cas.

C’est donc le tableau de l’humanité sans Dieu qu’il nous est donné de contempler dans Apocalypto. Mel Gibson veut certainement faire passer un message, lorsqu’il affirme que d’ « une étrange façon, la fin de la civilisation Maya a un parallèle avec notre civilisation aujourd’hui. » On nous objectera qu’entre la barbarie des Mayas et notre monde moderne, il y a fossé immense et que la comparaison est bien audacieuse, car nous vivons tout de même dans un monde civilisé. Je répondrai que le confort du monde moderne peut nous égarer et nous illusionner. Nous pouvons tout perdre du jour au lendemain et retomber dans la sauvagerie en très peu de temps. Il suffit d’allumer un poste de télévision pour s’en convaincre. Alors il restera l’homme nu face à lui-même, sans barrières sociales, sans les clichés et les interdits des castes sociales, culturelles et politiques. Il restera à l’homme un choix ultime à faire, un pas à faire dans un sens ou dans l’autre, comme cela fut le cas pour Jaguar Paw, le ‘héros’ du film. Ce pas, il se fera vers le Christ, l’Homme-Dieu qui Lui seul peut réconcilier l’humanité avec son Dieu. Ou bien il se fera dans une autre direction, laissant l’homme dans l’impasse de sa nature blessée, défigurée et limitée.

C’est cette nature humaine que Mel Gibson nous dépeint dans Apocalypto. Nature corrompue mais appelée à la grâce comme le laisse entendre la fin du film. La caméra nous dévoile une part de nous-mêmes en nous faisant suivre Jaguar Paw dans sa lutte pour survivre. Le mal nous est montré, mais je dirai, et ce, malgré la violence de certaines scènes, avec une certaine retenue et pudeur. Le bon coté des hommes nous est aussi montré avec parfois tendresse et humour. Ainsi l’on s’aperçoit par exemple que le problème des belles-mères est universel – comme quoi, il y a bien une permanence dans la nature humaine, au delà des cultures et des civilisations. On y voit des hommes, des femmes et des enfants s’aimer ou s’entretuer, rire ou pleurer, espérer ou craindre… vivre tout simplement.

Ajoutons enfin que d’un point de vue technique et artistique, le film est admirablement réalisé. Pour le reste, c’est ce qu’on en dit des gouts et des couleurs… on n’aime ou on n’aime pas.

Après tout cela, on demandera : faut-il aller voir ce film ? Bien sûr que non ! Il n’y a jamais de nécessité à aller voir un film, pas même la Passion du même Mel. Je ne connais ni commandement de la loi naturelle, du droit divin ou du droit ecclésiastique qui nous fasse un devoir d’aller au cinéma. Mais s’il en est que l’histoire des hommes intéresse, alors volontiers je leur dirai : oui, allez voir ce film… il est pour vous !

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Apres avoir vu ce film, j'ai ressenti un certain dégout...et votre article montre bien le manque de connaissances coloré par une foi aveugle egocentrique ...

TOut ce film est la pour déculpabilisé les espagnols et autres religieux de leurs actions..

On ne peut pas décrire une société qui nous est étrangère avec nos yeux occidentaux .... de plus cette phrase est révoltante :

"Il est vrai que nous connaissons peu de choses sur les Mayas, mais ‘peu’ n’est pas ‘rien’".....

c'est comme si je disais : " si je connais trois ligne de la bible, ce n est pas rien ... "


Sachez qu il a fallu plusieurs mois d'incinération pour bruler des manuscrits mayas, azteques,etc...tout ça sous le nom de Dieu ... sans avoir la véritable connaissance de ce qui était écrit ...
Arretez de vous voiler la face, ouvrez les yeux ... etes vous allez au Mexique ... voir un peuple en recherche de sa culture... imaginez vous le choc que c'est qu on remplace vos croyances, votre histoire, par autre chose ?

petits liens montrant une part de vérité:

http://www.showbizz.net/section_cinema.php?article=20070115143626

http://www.armees.com/Le-film-de-Mel-Gibson-Apocalypse-suscite-la-colere-des-Indiens,15110.html

Father Demets a dit…

Vous avez entierement raison... sur un point : Si vous connaissez trois lignes de la Bible, ce n'est pas rien ! J'espere que c'est le cas !

Quant a votre commentaire : "votre article montre bien le manque de connaissances coloré par une foi aveugle egocentrique ... "., il n'engage que vous ! Vous semblez si sur. N'y aurait-il pas une part de manque de connaissance sur la Foi colore par une raison aveugle egocentrique ????

Bien a vous

Abbe Laurent Demets

Anonyme a dit…

Bonjour M. l'abbé, c'était pour savoir si je pouvais poster cet article ainsi que d'autres sur mon site!

Father Demets a dit…

Je vous en prie... pas de problemes !