lundi, novembre 10, 2014


Editorial du 9 novembre 2014



Chers amis,

La chrétienté est à rebâtir, mais nous vous l’avons déjà dit, ce ne doit pas être notre objectif prioritaire. Ce qu’il nous faut faire, “ c’est chercher le royaume de Dieu et sa justice “ conformément aux paroles de Notre Seigneur (Matthieu 6,33). Le reste nous sera donné par surcroit. Car comprenons-le bien, l’ordre social chrétien est en soi un moyen et non un but, ou du moins il est un objectif intermédiare. Le but ultime que tout chrétien se doit de poursuivre est la gloire de Dieu et le salut des âmes, à commencer par la sienne. Or cela nous pouvons le réaliser quel que soit le régime politique dans lequel nous vivons, même lorsque les lois nous sont hostiles et que la culture - si l’on peut parler de culture - incite plus au relâchement des moeurs et au laxisme moral. L’Eglise catholique, instrument du salut, fondée par Jésus-Christ est une société parfaite, c’est-à-dire qu’elle a en elle-même les moyens nécessaires et suffisants pour atteindre son but qui est, répétons le, le salut des âmes.

Ceci étant dit, il va sans dire que cet objectif sera plus facilement atteint si l’Etat et la société travaillent en collaboration avec l’Eglise en se soumettant aux décrets divins. Un Etat qui promeut le désordre moral - avortement, “mariage” homosexuel, contraception, etc... - participe à la culture de mort dénoncée par Jean Paul II. Dans son encyclique Veritatis Splendor, le Pape mettait en garde contre un danger tout aussi grand que le totalitarisme, à savoir “ le risque d’alliance entre la démocratie et le relativisme éthique qui retire à la convivialité civile toute référence morale sûre, et la prive, plus radicalement, de l’acceptation de la vérité.” Et de conclure : “ Une démocratie sans valeurs se transforme rapidement en un totalitarisme déclaré ou sournois, comme le montre l’histoire.” (Veritatis Splendor #101) Les arrestations arbitraires effectuées par la police politique française lors des manifestations pacifistes de la Manif pour tous l’attestent. Il ne s’agit plus d’histoire, mais d’actualité.

Face au désordre moral qui pousse les hommes au péché, un devoir s’impose à nous, un devoir plus urgent que celui des urnes et de la rue, même s’il ne faut pas négliger ces moyens lorsqu’il le faut. C’est le devoir de sainteté. “ Les martyrs et, plus généralement, tous les saints de l'Eglise, par l'exemple éloquent et attirant d'une vie totalement transfigurée par la splendeur de la vérité morale, éclairent toutes les époques de l'histoire en y réveillant le sens moral. Rendant un témoignage sans réserve au bien, ils sont un vivant reproche pour ceux qui transgressent la loi (cf. Sg 2, 12) et ils donnent une constante actualité aux paroles du prophète : « Malheur à ceux qui appellent le mal bien et le bien mal, qui font des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres, qui font de l'amer le doux et du doux l'amer » (Is 5, 20).” (Veritatis Splendor #93)

Léon XIII ne disait pas autre chose lorsqu’après avoir traité des questions sociales, il concluait son encyclique Rerum Novarum en appelant les ministres et le peuple chrétien de toutes les classes à la pratique “des règles évangéliques de la vie chrétienne.” “C'est en effet d'une abondante effusion de charité qu'il faut principalement attendre le salut. Nous parlons de la charité chrétienne qui résume tout l'Evangile et qui, toujours prête à se dévouer au soulagement du prochain, est un remède très assuré contre l'arrogance du siècle et l'amour immodéré de soi-même. C'est la vertu dont l'apôtre saint Paul a décrit la fonction et le caractère divin dans ces paroles : "La charité est patiente; elle est bonne; elle ne cherche pas ses propres intérêts; elle souffre tout; elle supporte tout" (1 Co 13, 4-7) ” (Rerum Novarum)

Or il faut que cette charité s’épanouisse dans la pratique des vertus sociales. La société moderne nous pousse à l’individualisme, voire à l’égoïsme. Attention, je ne dis pas qu’elle crée ses tendances qui sont en fait inhérentes à notre nature blessée par le péché, mais en rejetant précisement l’idée même du péché, elle ne fait rien pour nous en détourner.  Ne tombons pas dans une conception rousseauiste du bon sauvage perverti par la société. La société est bonne en soi car conforme à notre nature. Je ne dis pas non plus qu’il y ait une intention délibérée de nous pousser à l’individualisme. C’est peut être même un paradoxe de cette société moderne née de la Révolution. On nous enseigne la devise des droits de l’homme : “liberté, égalité, fraternité” que la République française a fait sienne. Et en guise de liberté, on nous abreuve de lois toujours plus nombreuses qui au final la restreignent considérablement. Essayez d’ouvrir une école privée au Québec, et vous verrez jusqu’où s’étend votre liberté ! Et puis personnellement j’ai du mal a accepter une idéologie qui s’est forgée dans le sang, le meurtre et la barbarie ! On attaque souvent l’Eglise pour ses crimes passés, et on nous reparle, sans même savoir de quoi il s’agit véritablement de l’Inquisition, des croisades, des indiens d’Amériques ou des guerres de religion. J’attends toujours que la République, du moins celle qui est en France, fasse sa repentance pour les crimes de la Terreur, le génocide des Vendéens, et autres atrocités commises pour la soi-disant défense des  droits de l’homme. Peut être est-ce trop demander ? Ou alors serait-ce que la fin justifie les moyens ? Mais cette doctrine n’est pas catholique !

Qu’importe pour le moment, nous n’allons pas refaire l’histoire ni nous enfermer dans le passé. Au contraire, parce que nous aspirons à l’éternité nous sommes tendus vers l’avenir. Allons nous rebâtir la chrétienté ? Je ne le sais pas, mais ce que je sais, c’est qu’en vivant selon l’Evangile nous pouvons créer une petite oasis de paix, un avant-goût du Ciel, une parcelle du Royaume de Dieu. C’est possible dans nos foyers et dans nos paroisses s’ils s’y trouvent assez de personnes de bonne volonté qui cherchent Dieu. En cherchant l’union à Dieu, nous pourrons alors reforger un véritable tissu social dont le ciment sera la charité. Dans une société, chacun a sa place, son rôle, des droits et des devoirs. Et chacun est encouragé à tenir son rôle si les vertus sociales, telles la civilité ou l’amabilité fleurissent entre ses membres. Il faut pour cela expurger tout esprit de caste ou de groupe afin que chacun puisse se sentir comme chez lui. La Chrétienté était justement une symbiose, c’est-à-dire un ensemble dont les éléments ont besoin les uns des autres : le roi, les seigneurs, les moines, les paysans, les artisans etc... Aucun groupe ne se suffisait à lui même. Il en va de même dans notre paroisse ou la liturgie qui nous fait anticiper le Ciel doit tous nous rassembler, chrétiens de différentes origines sociales ou culturelles. Il n’est point question de messe pour les jeunes, ou pour je ne sais quel groupe : je n’aime pas vraiment cette invention pastorale du XX siècle qu’un fidèle du XIII siècle n’aurait certainement pas saisis. Il est vrai que c’était le siècle où l’universalisme chrétien était bien compris, le siècle de Saint Thomas et de Saint Louis, des croisades et des cathédrales. S’il fallait chosir un modèle pastoral, je choisirais tout compte fait celui de ce grand siècle de foi plutôt que tout autre que l’on a tenté d’élaborer depuis 60 ans ! Certes j’ai bien conscience de vivre au XXI siècle, mais cela doit-il nous interdire de nous inspirer des grandes oeuvres accomplies dans le passé ? Il est bien légitime d’organiser différentes activités pour différents groupes qui peuvent nous aider à grandir dans la foi et la charité, et c’est d’ailleurs ce à quoi nous travaillons à Saint Zéphirin. Mais il ne serait être question de créer des entités autonomes. Le Cercle Sainte Jeanne d’Arc, le Club des Gentlemen, les Chevaliers de l’Autel qui se mettent en oeuvre petit à petit sont d’abord voués à la gloire de Dieu et auront à coeur de contribuer au bien commun de notre paroisse. Alors ce sera une micro-chrétienté qui, s’il plaît à Dieu, verra le jour. Et tous, grands et petits, hommes et femmes, se rejouiront de la paix et de l’harmonie nées d’une commune louange ou chacun derrière le prêtre offrant le sacrifice pourra s’écrier : “je m’avancerai jusqu’à l’autel de Dieu, jusqu’au Dieu qui est la joie de ma jeunesse !”

Que ce Dieu d’amour et de miséricorde nous bénisse tous !

Abbé Laurent DEMETS, FSSP